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            LAFONT Robert Robert Auguste César Lafont naquit à Nîmes le 16 mars 1923 et décéda à Florence, en Italie, le 24 juin 2009. Il était linguiste, historien de la littérature occitane, historien médiéviste, poète, dramaturge occitan et romancier. Professeur d’université, théoricien politique, il a popularisé le concept de « colonialisme intérieur ». Résistant, homme de gauche, militant syndicaliste, membre de l’Institut d’Estudis Occitans, il fut un animateur des luttes sociales occitanes des années 1962 à 1981. Dans les dernières décennies de sa vie, il a milité pour un fédéralisme européen et pour un combat altermondialiste. 
 À l’IEO, Lafont a situé la rupture entre les « culturalistes » proches des communistes et les « politiques » à la fin 1954. Dès janvier 1954, dans les Annales de l’IEO, il proposa aux militants de se pencher sur la question économique et le développement régional. Il rejeta aussi le nationalisme de François Fontan, créateur du Parti Nationaliste Occitan. Il se situa politiquement à gauche : « On était bien d’accord politiquement : de gauche et prenant le gaullisme pour cible. » Dès le début, il s’opposa à de Gaulle. Il se voulut anticolonialiste et antijacobin. Petit-fils d’un pied-noir, il avouait ses « sympathies pour la Révolution algérienne ». Comme l’avait fait les régionalistes bretons dès 1950 avec le CELIB (Centre d’étude et de liaison des intérêts bretons), l’IEO évolua vers une prise en charge des combats économiques à la suite des grèves des mineurs de Decazeville-La Sala (décembre 1961-février 1962). Serge Mallet dans l’hebdomadaire France Observateur du 11 janvier 1962, parla de « la révolte des colonisés de l’intérieur » et de la nécessité de « s’attaquer au centralisme politique » parallèlement à la décentralisation économique. R. Lafont fut à la fois « pour l’autonomie régionale et pour l’abolition du systême capitaliste ». À la suite de la grève, fut créé, le 4 février 1962 à Narbonne, le Comité occitan d’études et d’action (COEA). Sa visée était « socialiste révolutionnaire ». Le COEA s’intègra dans la rénovation de la gauche française et établit des contacts avec les militants bretons et corses. En avril 1964, il participa à la fondation de la Convention des institutions républicaines avec Hernu, un ancien du PSU et Mitterrand. R. Lafont considéra cela comme une victoire : « Nous venions de faire inscrire le colonialisme intérieur dans la motion finale et de faire adopter la décentralisation de l'État par la gauche. » La revue Viure du COEA, fondée en 1962 par Lafont, fut « un foyer important de réflexion ». Les livres de R. Lafont sur la régionalisation (La Révolution régionaliste de 1967, L’Autonomie, de la Région à l'Autogestion de 1976, Sur la France, 1968, Décoloniser en France, 1971 et La Revendication Occitane, 1974) furent lus et appréciés par les dirigeants socialistes, Pierre Mendès-France, Michel Rocard, Gaston Defferre ou François Mitterrand. Mais R. Lafont était sans illusion : « Je m’adresse aussi aux socialistes. Je partage avec eux des analyses et des actes. Mais notre dialogue souvent est difficile. » Il se méfiait d’une prise de pouvoir socialiste sans conscience régionaliste : « Un pouvoir socialiste installé directement à Paris [...] trouverait à son service l’admirable outil de domination de l’État centralisé autoritaire. » Après 
            1968, Viure fut le lieu d’expression de la radicalisation 
            du mouvement occitan. Robert Lafont essaya de peser sur les forces 
            de gauche et « le Programme commun ». Dès 1968, 
            les Comités d’Action Occitane débordèrent 
            le COEA qui fut dissout en 1971 et laissa la place à Lutte 
            Occitane. Aux intellectuels occitanistes se joignirent des syndicalistes 
            agricoles des Comités d’Action viticole et des Paysans 
            travailleurs. C’était un mouvement pan-occitan avec plusieurs 
            centaines de militants et un journal Lutte Occitane. Lafont 
            rejoignit dès 1971 le combat des paysans du Larzac contre l’extension 
            du camp militaire, participant aux manifestations de 1973 et 1974. 
            En 1981, il soutint les mineurs du Gard contre la fermeture du puits 
            de Ladrecht. Dès 1976, il joua un rôle essentiel dans 
            la lutte des viticulteurs languedociens rejointe par les syndicats 
            ouvriers et enseignants. En 1978, il anima les états généraux 
            du peuple pour « Vivre, travailler et décider au pays 
            ». Il fut un des initiateurs avec Jean-Pierre Chabrol et Emmanuel 
            Maffre-Baugé du manifeste du 27 octobre 1978, « Mon Pais 
            escorjat », manifeste soutenu par le PCF et la CGT. Cette action 
            politique semblait lui peser. Robert Lafont écrivit à 
            Nelli en 1972 : « Je ne suis ni Lénine, ni Ferhat Abbas, 
            ni Boumediene ; je me retrouve en mon lieu de toujours : écrivain 
            d’oc. » Il rompit avec les Yves et Jean Rouquette : « 
            Mai 1968 les avait enflammés. C’étaient des nationalistes 
            exaltés [...]. Ils étaient devenus tiers-mondistes et 
            ne pouvaient souffrir l’adjectif "intérieur" 
            mis à colonialisme. » En décembre 1974, dans un 
            échange de courrier avec Nelli, il revint sur les attentats 
            occitanistes qu’il réprouvait. Prix 
            et décorations : Grand prix des Lettres occitanes en 1951, 
            prix Théodore Aubanel pour son théâtre en 1959, 
            prix international Ossian en 1976, officier des Arts et Lettres, officier 
            des palmes académiques, creu de Sant Jordi de la Generalitat 
            de Catalunya, docteur honoris causa de l’université de 
            Wien. Quelques 
            œuvres. Poésie : Paraulas au vièlh silenci 
            (IEO, 1946). Dire (IEO, 1957). Cosmographia monspessulanensis 
            (Jorn, 2000). Romans : Vida de Joan Larsinhac, (IEO, 1951, 
            rééd. 1979). L'Icòna dins l'Iscla (IEO, 
            1971, rééd.1979). La Festa (Fédérop, 
            1983-86), formé de Lo Cavalier de Març, Lo 
            Libre de Joan et Finisegle. Théâtre : Lo 
            Pescar de la Sépia (IEO, 1958). La Loba (Aubanel, 
            1959). Teatre claus (IEO, 1969). Essais en occitan : Temps 
            tres (Ed. Trabucaire, 1991). Petita istòria europèa 
            d'Occitània (Trabucaire, 2003). Essais en français 
            : La Révolution régionaliste (Gallimard, 1967). 
            Sur la France (Gallimard, 1968). Décoloniser en 
            France (Gallimard, 1971). Nous, Peuple Européen 
            (Éd. Kimé, 1991). La Nation, l'État, les 
            Régions (Berg international, 1993). L'État 
            et la langue. Europe/Antiquité, XVIIe siècle siècle 
            (Éd. Sulliver, 2008). Travaux universitaires : Mistral 
            ou l'illusion, (Plon, 1954 ; rééd. Vent Terral, 
            1980). Trobar, soixante chansons des troubadours, (Montpellier, 
            C.E.O., 1972). Anthologie des Baroques occitans, (Aubanel, 
            1974). La Phrase occitane. Essai d'analyse systématique, 
            (Paris, P.U.F., 1967). Quarante ans de sociolinguistique à 
            la périphérie, (l'Harmattan, 1997). L'Être 
            de langage, (Limoges, Lambert-Lucas, 2004). Sources : - Archives Départementales de l’Aude (ADA). Fonds René Nelli. 10 JJ 21 : correspondance de Robert Lafont à René Nelli. - Archives de la ville de Nîmes. Registre d’état civil : acte de naissance de R. Lafont. - CIRDOC. Fonds R. Lafont (extrait des registres des Actes de l’État civil de la ville de Nîmes et acte du second mariage, mairie de Montpellier) et biographie de Lafont. - Terra d’Oc, n° 40, avril 1943 et n° 65-66, mai-juin 1945. « Actes occitanistas ». - L’Ase negre, n° 1, agost de 1946 et n° 5, desembre de 1946. - Témoignages de Felip Martel et Raymond Huard (6/6/2011). - Bulletin d’information du COEA, 1er décembre 1963. - CLERC, Pierre, Dictionnaire de biographie héraultaise, tome 2, Montpellier, Nouvelle presse du Languedoc, 2006, notice sur Robert Lafont. - MARTEL, Philippe, « Robert Lafont militant : ses premiers textes programmatiques », Annales de littérature occitane n° 8, Robert Lafont, le roman de la langue, Actes du colloque de Nîmes (12-13 mai 2000), d’Arles (14 mai 2000), CELO, Toulouse, 2005. - ESCAFIT, Joan-Lois, « Robèrt Lafont : una cara bèla, occitana e europenca, del sègle XXen », (www.eoe-oc.org). - PUIG I MORENO, Gentil, « Homenatge al nostre mestre Robert Lafont. La seva contribució a la sociolingüística », Lenga e país d'Oc, CRDP Montpellier, n° 50-51 (à paraître). - MICHEL, H., MIRKINE-GUETZEVITCH, B., Les Idées politiques et sociales de la Résistance, Paris, 1954. - Les Temps modernes, Minorités nationales en France, août-septembre 1973, n° 324-325-326. BAZALGUES, Gaston, « les organisations occitanes », pp. 140-162. - ALCOUFFE, Alain, LAGARDE, Pierre, LAFONT, Robert, Pour l’Occitanie, Toulouse, Privat, 1979. - ARMENGAUD, André, LAFONT, Robert, (dir.) Histoire d’Occitanie, Paris, Hachette-IEO, 1979. DELPLA, Claude, « L’évolution politique », pp. 851-882. – Œuvres de Robert Lafont : Lettre ouverte aux Français d’un Occitan, Paris, Albin Michel, 1973 ; La Revendication occitane, Paris, Flammarion, 1974 ; Vingt lettres sur l’histoire, à ces cons de Français et ces couillons d’Occitans, Valence d’Albigeois, Vent Terral, 2005. Miquèl RUQUET |